Agathe Kitoko
FREAKS
Un ange noir, charognard des faubourgs, arrache aux ténèbres de nos galtouses engorgées des visions gothiques et kitsch à souhait que le Dr Frank-N-Furter n’aurait pas reniées. Entre ses griffes manucurées, de modestes breloques, résidus de bibelots, falbalas fanés, reliques de babioles ou dépouilles de fanfreluche, se transforment en idoles de l’Apocalypse joyeuse ; des Saintes Craspèques pleines de crasse pour une civilisation à la ramasse. Vanités de rebuts sublimés par une culture populaire que le bourgeois condamne, ces œuvres extravagantes et monstrueuses, allient la porcelaine et le métal, l’ombre et la lumière, l’inquiétude à la féerie. Douée d’un imaginaire macabre et d’un humour sombre, Agathe Kitoko Pagart, la vestale punk des ordures, ouvre grand la porte des Enfers et répand sur le monde le culte des Madones à crêtes fluos.
Texte Thomas Bernard
Vanitas vanitatum sed omni Kitoko
C’est au marché du Jeu de Balles à Bruxelles que Tintin découvre la fameuse Licorne (du secret éponyme!). C’est précisément à cet endroit que Kitoko chaque matin trouve ses trésors, à l’heure où tout le monde remballe ses brols. Son bonheur est dans les poubelles. Des vierges non pas effarouchées mais ébréchées, poupées sans tête et vice-versa, Venus cul-de-jatte, petite bergère affreusement mutilée… L’atelier de Kitoko n’est pas une clinique mais un hôpital psychiatrique où le docteur Frankenstein viendrait donner une master class.
Kitoko répare comme on repare McMurphy dans « vol au dessus d’un nid de coucou ». Il y a d’abord cette grosse cicatrice derrière la tête, puis un résultat pas plus rassurant que la version originale.
Kitoko telle Prométhée, bricole de ses doigts toute une humanité au risque de défier les dieux, sinon le bon goût et la bienséance.
Quand Kitoko tient salon, elle convie les Calaveras mexicaines, les amulettes vaudous et bien sûr les têtes réduites des Arumbayas.
Yan Lindingre
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